La parution de ‘Dépasser la crise insurrectionnelle de 2024 en Nouvelle-Calédonie’ mérite quelques commentaires. N’hésitez pas à m’envoyer les vôtres. De l’intérieur du projet, je fais ici une remarque générale et importante, valable pour toute la production littéraire qui vous passe sous les yeux, réseaux, journaux, livres :
L’éveil de la connaissance aujourd’hui est davantage une question de non-lecture que de lecture.
Cette déclaration peut sembler surprenante mais vous aurez compris rapidement ce que je veux dire. Au milieu d’un flot incessant d’informations, nous devons apprendre à protéger notre connaissance des quantités monumentales de nourriture mentale de très médiocre qualité offertes à notre appétit. Au risque sinon de finir dans un état que j’appelle l’infobésité. Point commun avec l’obésité classique : on a du mal à quitter son siège, installé devant l’ordi ou le smartphone.
Il faut donc apprendre à ne pas lire plutôt qu’à lire. Le problème n’est pas récent à vrai dire. Les bibliothèques regorgent de millions d’ouvrages. Dix mille ans seraient nécessaires à chacun d’entre nous pour les passer tous en revue. Et qu’en resterait-il au final ? Avons-nous le projet de devenir des encyclopédies ambulantes ? Ou plutôt d’être d’excellents bibliothécaires, parfaitement au courant de l’emplacement et du rôle de chacun de ces livres ?
Les seuls qui méritent d’être lus intégralement sont ce que j’appelle des “livres-carrefours”. Ce ne sont pas des livres révolutionnaires comme on le croit généralement. Leur célébrité le fait penser. Parfois une théorie particulièrement originale y est énoncée pour la première fois. Mais a-t-elle surgi du néant ? Jamais abruptement. Elle a été alimentée par de multiples courants de pensée. La théorie est leur organisation. Un carrefour structuré. Ces livres sont les plus importants, non pas pour les idées qu’ils recèlent, que l’on trouve généralement ailleurs, bien ou mal argumentées, mais pour la structure dans laquelle sont installées ces idées. Les livres-carrefours ne sont pas ceux ayant présenté la théorie originale pour la première fois, mais ceux qui l’intègrent presque magiquement avec le corpus existant du savoir.
Autant il est indispensable d’avoir lu en détail ces livres-carrefours, autant il faut ne pas lire ceux qui pourraient le noyer dans un fatras inutile et confus. La vérité n’étincelle pas beaucoup au milieu des presque-vérités. À vrai dire les bons livres apparaissent plus grands au milieu des mensonges, qui font un écrin noir à leur rutilance. Lisez donc les opposants, ceux qui apportent une controverse argumentée à un livre-carrefour, pas ceux qui en sont de pâles imitations.
Alors, avec ‘Dépasser la crise insurrectionnelle de 2024 en Nouvelle-Calédonie’, devez-vous choisir la lecture ou la non-lecture —seulement un soutien aux auteurs si vous l’achetez 😉 ? Comme c’est un ouvrage collectif, ce livre est l’exemple typique où il faut malheureusement scinder sa réponse. L’historien Frédéric Angleviel a joué le rôle de coordinateur mais pas d’éditorialiste. Ayant sollicité bon nombre d’auteurs, il lui était difficile ensuite de refuser leur contribution.
Plus important encore, il était essentiel d’avoir un panorama d’opinions diversifié ethniquement et socialement. Cela implique des contributions plus ou moins libres de leur parole. Les Évènements ont déclenché une omerta terrible. Radicalisées, les communautés se sont vues interdire d’évoquer certains aspects du contentieux. Tabou particulièrement marqué chez les kanaks. La plupart sont aujourd’hui un mélange de fureur et de honte. Fureur de ne pas avoir été entendus. Honte de la forme qu’a pris la protestation des jeunes.
Que peut-il sortir d’un mélange de fureur et de honte, à froid ? Rien de significatif. Un discours lisse. Certaines contributions sont, sans surprise, très convenues. Aucun discours révolutionnaire chez nos auteurs du Pacifique, réticents à sortir de “la ligne”. Et même cette ligne, nous n’en découvrons pas vraiment le tracé. Je me reproche de ne pas fait précocement à Angleviel la suggestion de contacter ses anciens élèves kanaks universitaires, qui auraient pu élaborer une dissertation commune sur leurs attentes après ces Évènements. La jeune génération est absente. Heureusement quelques vieux sont encore fringants !
Tant pis. Vous utiliserez la non lecture pour combler les trous, car elle ménage du temps pour faire sa propre dissertation. D’autres contributions méritent cependant qu’on s’y attarde. Je les ai répertoriées dans le post précédent, sans détailler les notes mises à chacune. C’est après tout une collaboration et non une compétition. Mon autre déception qu’elle n’ait pas donné lieu à de vraies rencontres. Ce n’est pas définitif. Tout dépendra sans doute de la publicité donnée au livre.
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Bonjour,
Très intéressant, votre blog, vos réflexions et vos références « livres » sur « Kanaky-Nouvelle-Calédonie » , que je viens de découvrir: Faisant partie du comité d’organisation du « Festival Rochefort Pacifique Cinéma & Littérature »***, nous sommes à la recherche de livres et d’auteurs à inviter pour présenter / débattre sur « Kanaky-Nouvelle-Calédonie 13/5/24, 1 an après » soit à notre prochain 20e Festival 2026, soir lors d’un « Rendez-Vous Océanien » en 2025-26 => 2 questions
1. SVP, votre opinion sur ces 2 livres de F.Anleviel « Nlle-Calédonie 2025, Après la crise insurrectionnelle de mai-juillet 2024, quel avenir ? (éd. de Paris-max Chaleill) et « Dépasser la crise insurrectionnelle de 2024 en Nouvelle-Calédonie
Collectif d’auteurs » (Édilivre)?
2. Que pensez-vous de ces livres récents cités dans notre FB, du 13/5 (de Benoît Trépied, chez Anacharsis, et de Hamid Mokaddem) et Auriez-vous d’autres livres / témoignages / analyses à conseiller sur ce sujet ?
***voir notre website : https://www.rochefortpacifique.org
notre FB à https://www.facebook.com/FestivalRochefortPacifique
YouTube à https://www.youtube.com/@rochefortpacifique5474
Merci d’avance de votre réponse
Cordialement
Hervé Gigaroff
Festival Rochefort Pacifique Cinéma & Littérature
jonaas17@sfr.fr
Bonjour Hervé, et merci de votre intérêt pour le site. J’essaye d’y traiter le problème de l’insurrection kanak sans parti pris. Comment ? En ayant écrit des ouvrages de sociologie avant de traiter l’actualité. Et je suis très occupé à terminer le prochain, ‘La théorie des Cercles Sociaux’, que j’espère voir bouleverser le monde de la sociologie. Pas beaucoup de temps donc pour actualiser l’état de la révolte kanak un an après.
Cette affaire relève d’une incommensurable bêtise. La comparer à l’Algérie ou une autre décolonisation relève de la pure fantaisie. Imaginez : l’insurrection survient avec un congrès présidé par un kanak, et un autre kanak préside le gouvernement depuis 4 ans —sans avoir fait la moindre réforme alors qu’il est indépendantiste convaincu. Est-ce là toujours une société coloniale ? La lutte est celle d’une classe, une minorité de jeunes désargentée qui veut tout et tout de suite. Les vieux négocient avec le couteau dans le dos. « Obtenez l’indépendance complète ou on vous fait la peau ». Les kanaks les plus cortiqués, qui ont eu le courage de dénoncer la bêtise des destructions, sont venus se déjuger sur les réseaux après avoir été tabassés, dans la plus pure tradition nord-coréenne.
L’indépendance, est-ce un projet ? Non. Seulement l’unique chose autour de laquelle les clans kanaks, perpétuellement en conflit, peuvent s’accorder. Un projet, il y a en eu un. Mis en place en Province Nord après les Évènements de 84-88, avec des subsides conséquents de l’État et de la Province Sud. 40 ans de soutien constant pour développer une activité minière autonome, un autre pôle économique à Koné. Avec de bons conseillers… et une direction kanak. Résultat : échec complet. Les raisons ? La culture kanak est antinomique avec l’activité économique. Le partage s’oppose à la concentration des moyens. Même éduqué soigneusement le kanak a du mal à être chef d’entreprise. Le clientélisme est omniprésent. L’argent se disperse immédiatement. Que font 95% des kanaks passés par les études supérieures ? Fonctionnaire. La Nouvelle-Calédonie est encore plus écrasée par la bureaucratie que la métropole.
La manière dont les Évènements 2024 ont été rapportés en France est assez hallucinante. La principale correspondante à Nouméa du journal Le Monde est une indépendantiste militante. Qu’il y ait eu aussi peu de morts est miraculeux, alors que les nouméens voyaient leur patrimoine et toute une vie de travail partir en fumée en quelques heures. Les gendarmes ont fait preuve d’un grand professionnalisme et d’une immense retenue, même après que l’un d’eux se soit fait abattre d’une balle en plein front. Alors quand vous lisez que « les jeunes ne s’attendaient pas à mourir à 19 ans ». Ce gendarme-là non plus. Il avait 22 ans.
Il a existé des époques où les vainqueurs faisaient l’Histoire. Aujourd’hui ce sont les victimes qui font l’Histoire. Et elle est peut-être encore plus distordue. Par des gens comme Benoît Trépied et Hamid Mokaddem, dont j’ai médiocre opinion, pour répondre à votre 2ème question. Pas des radicaux, certes, mais leur raison est emmanché par des idéaux, ce qui lui enlève toute souplesse. Un idéal permet de comprendre et juger une société quand il est partagé par tous ses membres. Autrement c’est plaquer sa sensibilité sur quelqu’un qui ne la possède pas. Impossible de comprendre comment il fonctionne. L’idéal n’est pas un outil du sociologue, sauf quand il régit un cercle social bien précis. L’adopter en soi pour ensuite le tatouer sur tous, c’est jouer à Dieu, glorifier sa propre interprétation et non se fondre dans celles qui font agir les autres.
Votre 1ère question : j’ai participé à l’ouvrage collectif coordonné par Angleviel, ‘Dépasser la crise insurrectionnelle de 2024 en Nouvelle-Calédonie’ (Édilivre). Intérêt contrasté. Des contributions banales voisinent avec les excellentes. Angleviel aurait du faire le tri avec un vrai travail d’éditorialiste, et surtout impliquer des jeunes, puisqu’ils sont à la source des Évènements. Il ne manque pas de contacts avec ses anciens élèves. Mais c’est un personnage particulier, qui utilise le “nous” pour se désigner… D’où l’ouvrage indépendant qu’il a publié plus récemment ‘Après la crise insurrectionnelle…’
Je précise que je n’ai lu ni ce dernier ouvrage ni celui de Trépied (dont je découvre le discours sur votre site), seulement celui de Mokaddem. Je doute que vous puissiez traiter le sujet calédonien de manière objective lors de votre festival. Il est très politisé et le bien-pensant victimaire fait occulter les efforts héroïques qui ont été faits pour dynamiser le destin de la jeunesse kanak. Efforts qui ont porté leurs fruits chez certains. Tandis que ceux restés dans les tribus, peu intéressés par la scolarité mais convoitant néanmoins les coûteux gadgets modernes ont trouvé plus rapide de se lancer dans la cambriole et de racketter les entreprises depuis E24 en les menaçant d’être la prochaine à brûler.
Cette dérive mafieuse de la société kanak est pourtant très étrangère à la culture des anciens, qui ont clairement honte de leurs jeunes. Cela s’avoue dans l’intimité d’un cabinet médical, mais pas devant un journaliste. On risque sa peau. Donner l’indépendance serait laisser tomber tous ces gens-là, qui n’ont pas réellement le droit de choisir leur bulletin de vote. La Kanaky n’est pas une démocratie. Il faudrait effectivement s’en scinder. Sans abandonner la Nouvelle-Calédonie. Beaucoup ne partiront jamais. Le droit du premier arrivant, disparu depuis une éternité, est-il plus important que le produit du travail de toute une vie aujourd’hui ?
Bonjour Jean-Pierre,
Merci de votre si rapide réponse à mes questions sur votre blog,
Très intéressantes réponses, tout autant que votre la partie « calédonienne” de votre blog est intéressante (je n’ai pas vu les autres).
Ma ”curiosité” à chercher à m’informer sur les dramatiques ”évènements du 13 Mai 2024” est à la fois personnelle (J’ai vécu en Kanaky/Nouvelle-Calédonie 2 ans , il y a longtemps, années 1979-80) et en tant que membre du Comité d’Organisation de ce « Festival Rochefort Pacifique Cinéma et Littérature » en vue de profiter de cet espace d’échanges interculturels pour donner des éclairages multiples permettant d’informer sur le complexe “cas Kanaky/Nouvelle-Calédonie” auprès des Français de métropole et des Océaniens de divers pays venant à ce festival,
Ceci au moyen du cinéma (fiction et documentaire),de la littéarture et de l’essai, ainsi que des débats et éventuellment d’autres formes artistiques (musique, théatre, etc…).
Un grand merci de vos précisions / avis sur les 2 livres de F.Angleviel: À vrai dire j’ai commandé & reçu par erreur le « Après la crise insurrectionnelle…”, alors que je souhaitais lire le « ‘Dépasser la crise insurrectionnelle de 2024 en Nouvelle-Calédonie’ (Édilivre)” pour la multiplicités et diversités des témoignages qui semblaient s’y trouver…
Pour tout dire, j’ai lu récemment à la fois ce « Après la crise insurrectionnelle…” de F.Angleviel et le livre de Benoît Trépied : « Décoloniser la Kanaky-Nouvelle-Calédonie”:
Cette lecture en simultanée des 2 livres est, évidemment, catastrophique pour le livre du premier ! :
Si le premier présente quelque intérêt de part une chronologie factuellle des « évènnements » de Mai à Juillet 2024 (avec des notes/références datés du journal ”La voix du caillou”), il est effarent de constater que, derrière un livre dont l’auteur est présenté comme un ”professeur honoraire des université en histoire et spécialiste de la colonisation” (sic le 4e de couverture), et donc à propos duquel le lecteur s’attend à un ouvrage quelque peu ”historique” / ”scientifique” sur les faits, on a en réalité un livre présentant les opinions personnels de l’auteur quant à l’avenir du pays, souhaité par lui , ce qui est annoncé dès l’introduction du livre.
Ce qui ne me gênerait pas: tout auteur à le droit d’expimer une opinion -liberté d’expression…- si cette ”opinion personnelle” n’était pas présentée derrière un emballage d’ ”objectivité historique / scientifique” … avec une grande partialité et de très grandes lacunes dans l’exposé des faits:
Je ne prendrais pour exemple que la ”2e partie” et surtout les chapitres 2.1.1 à 2.1.3 avec un résumé ”historique” des plus partiales, dont les notes de références bibliographiques témoignent, avec, par exemple, l’absence criante, de toute références aux travaux de Christophe Sand dans les parties sur ”3000 ans d’histoire oublié”, ni aux de Alban Bensa, dont le nom est pourtant mentionné dans le texte, mais suivi d’une note biblio faisant référence à un ouvrage de ”F.Angeviel” (p.47 note 4) !!! Aucune allusion non plus aux écrits de JM Tjibaou et qq autres dans les passages, trop brefs, sur les ”Accords de Matigon-Oudinot-Nouméa” qui sont crédités UNIQUEMENT QUE au RPCR !!! : p. 55 ”Dix années plus tard [après 1988], un nouvel accord est proposé par le RPCR, qui regroupe la majorité de la majorité non-indépendantiste” (sic) !
Face ce livre, le livre de Benoit Trépied est un vrai livre d’un ”anthropologue scientifique”, solidement argumenté au moyen de concepts de sociologie / anthropologie et d’une vaste et diverse bibliographie dûment citée:
Entre autres de ces solides concepts issus de la science sociologique et anthropologique, citons le concept de ”Situation Coloniale”, concept quand même solidement théorisé, formalisé par de nombreux chercheurs depuis longtemps , par exemple: Georges Balandier, dans son
“La situation coloniale : approche théorique”, les Cahiers internationaux de sociologie, vol. 11, 1951-.
Après des bilans politiques et économiques sur les périodes 1988-2000, l’auteur montre avec finesse les évolutions sociales et culturelles allant dans le sens du “destin commun“ qui était l’ambition de ces accords et aussi, inversement, le poids des préjugés et des représentations qui peuvent conduire certains à ignorer ou à invisibiliser les Kanak dans leur propre pays, soulignant combien le temps nécessaire à la « décolonisation des esprits » est infiniment plus long que celui des processus politiques.
Puis ce livre retrace la succession de manquements à l’impartialité de l’État qui ont modifié la donne politique à partir de 2021 jusqu’au projet de ”dégel” de 2023 et directement ou indirectement conduit à “Mai 2024“, sans pour autant occulter les erreurs ou lmanquements de partis indépendantistes.
En outre, tout chercheur qu’il soit, Benoît Trépied avance dans son livre avec ses doutes, ses interrogations… là où Frederic Angeviel a une opinion bien arrêté sur l’avenir de l’île… ainsi que vous-même, qui semblez aussi avoir une opinion bien arrêté de type ”C’est ou ça sera comme ça et pas autrement” – avec pour exemple entre autres, votre ”L’indépendance, est-ce un projet ? Non.” (sic de vous).
Certes Benoît Trépied a une opinion tranchée qu’il affiche (L’imartialité n’existe pas ou plutôt mieux vaut affficher sa partailité que de se draper dans un fausse impartialité) mais au moins est-elle solidement ARGUMENTÉE
Pour revenir à votre réponse, si je puis me permettre cette franchise avec vous, sans que cela nuise à la suite de nos éventuels futurs échanges , -(mais vous semblez un homme de dialogue…-?-)-, je trouve, à la lecture de votre réponse et de quelques passages lus de votre blog, que,
au-delà de certains de vos propos intéressants et forts, dont ceux sur la ”dérive mafieuse, etc… » -Mais qui gagnerait à être plus crédibles avec des argurmlenations et des citations de sources même anonymisées si besoin étaient, -,
ainsi également de votre qualificatif de ”incommensurable bêtise et gâchis” sur ces évènements, que je partage entièrement,-
que l’on peut appliquer à vos propos, votre vision globale des choses sur l’île, exactement la même critique que vous exprimez sur la pensée de Mokaddem et Trépied, à savoir que « mais leur raison est emmanché par des idéaux, ce qui lui enlève toute souplesse. Un idéal permet de comprendre et juger une société quand il est partagé par tous ses membres. Autrement c’est plaquer sa sensibilité sur quelqu’un qui ne la possède pas. Impossible de comprendre comment il fonctionne. » (sic de vous) =
= Oui dans vos propos, je trouve que votre vision des évènements , ”votre raison” est vraiment ”tout autant” “emmanché par des idéaux” (qui sont les vôtres, et que je respecte, que je n’ai pas, là, à en juger), sauf que je ne vois pas dans vos propos d’argurments, de concepts forts pour les étayer, contrairement au livre de Benoît Trépied:
Bref vous semblez exprimer , là, une opinion personnel, une vision personnelle , un vécu personnelle de la situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie (encore un fois que je respecte, je n’ai pas à juger d’opinion personnelles) mais qui N’a PAS à être présentés comme “vérité scientifique / historique / sociologique / anthropologque,… » faute d’argumention étayée.
Vous êtes médecin, donc homme de sciences , donc vous savez faire la distinction entre une “opinion personnelle“ et un ”fait scientifque argumenté”, non ?…
Le plus grave dans vos propos (là, en réponse, ou bien dans votre blog) reste ce passage de vous:
“Les raisons ? La culture kanak est antinomique avec l’activité économique. Le partage s’oppose à la concentration des moyens. Même éduqué soigneusement le kanak a du mal à être chef d’entreprise.“ (Sic)
Une telle phrase, une telle affirmation d’abord, mériterait d’être séreiusement arguementé, si tant est qu’elle puisse l’être…
… Ensuite, cette phrase a quelques similitudes avec des écrits “coloniaux“ des années 1910 à 30, où l’on disait à peu près la même chose de l’ “Africain“ , de l’“Indochinois“ ou de l’ “Indien“…
… sans prévoir que quelques dizaines d’années plus tard, ce que vous même écrivez , dans votre blog : “C’est par exemple ce qui est survenu dans les ex-colonies asiatiques, toutes devenues dragons économiques, avec un rattrapage spectaculaire du niveau de vie sur l’occidental,“ (sic).
… Et enfin, la mise en place d’une ”stratégie nickel” de la Province Nord entre 1998 et 2000, -que vous évoquée dans le passage « L’indépendance, est-ce un projet ? Non. Seulement l’unique chose autour de laquelle les clans kanaks, perpétuellement en conflit, peuvent s’accorder. Un projet, il y a en eu un. Mis en place en Province Nord après les Évènements de 84-88, avec des subsides conséquents de l’État et de la Province Sud. 40 ans de soutien constant pour développer une activité minière autonome, un autre pôle économique à Koné. Avec de bons conseillers… et une direction kanak. Résultat : échec complet. » (sic)-, est la preuve a contrario de ce qu’affrime votre phrase, là , sur “antinomique avec l’activité économique“, et, NON, ce n’est pas avec “avec des subsides conséquents de l’État et de la Province Sud (!!!). 40 ans de soutien constant pour développer une activité minière autonome” que cela s’est fait,: Je me permets de vous renvoyer à la lecture du chapitre ”La doctrine nickel” p. 122 du livre de Benoiot Trépied pour un exposé plus fidèle et complet de ”Province Nord & Nickel” , qui n’élude pas les difficultés voire erreurs ”kanak” (comme vous dites…) mais aussi montre les respopnsabilités françaises, provinces Sud et du ”marché mondialisé” dans la situation actuelle…
Enfin , pour commenter votre “Je doute que vous puissiez traiter le sujet calédonien de manière objective lors de votre festival.“, soyez rassuré, cela fait presque 20 ans que ce festival réussit à traiter par le dialogue de ces sujets… 😉 : La première édition de ce Festival à laquelle j’ai assissté en tant que simple spectateur était en 2008 sur les ”évènements d’Ouvéa et la mission Rocard” avec la projection de ce magnifique et toujours actuel film sur l’art de faire la paix qu’est ”Les Médiateurs du Pacifique” de Charles Belmont en présence de ce grand cinéaste lui-même.
Encore merci de votre réponse, en espérant que ma franchise avec vous ne nuira pas à une éventuelle suite de futurs échanges…
Vous êtes le bienvenu à suivre le site internet et le FB de notre Festival, -qui devrait , entre autres, plus ou moins prochainement, mettre en ligne les conférences de Christophe Sand en Avril dernier-…
Cordialement
Hervé Gigaroff
( Festival Rochefort Pacifique Cinéma et Littérature )
Merci d’avoir développé votre réponse, Hervé. Sachez que j’apprécie beaucoup la contradiction, étant dans une certaine solitude intellectuelle localement. Nous sommes tous sociologues et très peu dotés de théorie sociologique. Mon isolement tient au fait que j’ai des opinions mais pas de ces idéaux qui forment les cercles stables à droite ou à gauche. Je suis très proche de Max Weber, le père fondateur de la sociologie le plus équilibré dans sa méthode. Il avait des convictions politiques profondes, mais le sachant, s’exhortait à les tenir à distance pour faire de la sociologie “compréhensive”, celle qui part des relations inter-humaines sans leur appliquer nos postulats.
Je suis justement en train de rénover cette conception et l’ancrer dans la sociologie moderne en montrant comment les structures institutionnelles agissent conjointement avec les désirs individuels pour expliquer nos comportements. L’ouvrage s’appellera “Théorie des Cercles Sociaux” et réalise une intégration entre la psychologie et la sociologie, pour s’évader d’un égalitarisme stérile qui nous déclare unités humaines semblables. Les applications pratiques sont immédiates et multiples. Vous en lirez sur le blog Surimposium.
Le but n’est pas de me faire mousser mais de vous indiquer que mes interprétations, plus encore que celles de Weber à son époque, remontent des micromécanismes sociaux et non d’une quelconque vision idéalisée de la société occidentale. Les micromécanismes, il faut être dedans pour vérifier qu’ils correspondent à la réalité. Mais il ne suffit pas d’avoir étudié une culture en détail pour comprendre comment elle interagit avec une autre. C’est une théorie qui le fait. Les deux sont nécessaires : être au contact des données et disposer d’un modèle valable pour les exploiter. Il est malheureusement très rare que les deux volets se retrouvent chez un même individu.
Votre expérience de la Nouvelle-Calédonie est précieuse, Hervé. Cependant la Kanaky d’aujourd’hui est très différente de celle des années 80. Croyez-moi, j’ai trouvé les Évènements de 84-88 aussi justifiés que ceux de 2024 ont été stupides. Les derniers sont voisins des émeutes de banlieue de l’île-de-France en 2023. Problème de société certes, mais de classe et de génération, pas d’ethnie et de décolonisation, comme on les a présentés à tort.
Il n’existe pas de « solides concepts issus de la science sociologique et anthropologique », et la « situation coloniale » n’a rien d’un concept solidement modélisé. Vous confondez avec les sciences physiques et citez des chercheurs qui travaillent sur des niches, sans théorie globale pour s’appuyer. Il n’existe plus de grand sociologue aujourd’hui, seulement des hyperspécialistes dans un domaine fragmenté à l’extrême. Une véritable science doit faire consensus et vous admettrez qu’on en est loin. Difficile surtout pour le sociologue de s’évader du bien-pensant très radicalisé à droite comme à gauche. La relation de domination, qui implique la participation d’un exploiteur ainsi que d’un dominé, est un sujet trop brûlant pour être davantage qu’effleuré aujourd’hui, alors qu’il est au coeur de nos vies, ce qui rend l’affaire coloniale traitée superficiellement, en déconnexion avec la psychologie individuelle. Dieu sait pourtant combien elle est différente chez le kanak et l’occidental.
Que l’indépendance kanak ne soit pas un projet n’est pas une opinion mais une donnée, recueillie auprès de tous les kanaks qui passent par ma salle d’attente, quidam ou responsable politique, frustre ou éduqué. Il n’y a aucun projet et le discours majoritaire est : « Il faut que l’État français paye comme avant » ce qui est un peu curieux pour un désir d’autonomie, n’est-ce pas ?
Benoît Trépied ne fait pas mystère de sa partialité. Il est très éloigné de la « neutralité axiologique » qui fait le sociologue consensuel. Parce qu’il a en tête une utopie égalitariste, comme beaucoup de ses collègues. Un objectif attirant en effet. Mais l’objectif n’est pas le processus. Il ne faut pas mettre l’égalitarisme à la racine de la relation sociale, alors que celle-ci est très inégalitaire au contraire. La neutralité axiologique permet au moins de mettre charrue et boeufs côte à côte, évitant de placer la première devant les seconds.
Macron aura bien servi d’épouvantail durant son mandat. Rappelons que c’est un centriste. Très mal inspiré quand il impose la position du centre avant d’avoir entendu les extrêmes. Rappelons surtout que l’insurrection de 2024 s’est constituée contre un projet de réforme foncièrement démocratique, visant à ouvrir le droit de vote à des gens installés depuis plus de 20 ans sur le “Caillou”. La Nouvelle-Calédonie n’est plus une colonie de peuplement depuis longtemps. La vie y est très chère et l’immigration reste marginale. La population est passée de 165.000 en 1989 à 270.000 en 2019 avec une proportion de kanaks (40%) inchangée. La densité de population reste très faible, 13,2 habitants/km2 contre 106,5 pour la métropole. Colonie de peuplement, vraiment ?
Si vous avez assisté à l’histoire racontée des Évènements d’Ouvéa et de la mission Rocard, alors n’êtes-vous pas surpris de la manière dont ces accords magnifiques ont tourné ? Les loyalistes n’ont-ils pas respecté les Accords ? Au contraire ils se sont débarrassés de leur clique clientéliste en mettant le clan Lafleur à la porte en 2001 et en prônant le Vivre Ensemble. Mais il faut être ensemble pour le vivre. L’autre clan l’a compris comme une période d’attente avant la scission. Le racisme, aujourd’hui, est kanak. Il est assez détonnant de voir l’ultra-gauche française soutenir ce qui est chez nous l’ultra-droite, le Front National Kanak. Fantastique pouvoir de la désinformation. Lui ouvrirez-vous encore plus grand la porte ?
Pour vous convaincre que j’ai quelques bases en sociologie, et peut-être l’amorce d’une vraie théorie globale, n’hésitez pas à lire l’introduction à la Théorie des Cercles Sociaux. Je vais en publier prochainement d’autres fragments avec en priorité ceux qui concernent l’affaire calédonienne. Je vous en avertirai. Continuez vos critiques. Elles sont enrichissantes.
« Le seigneur des porcheries » (Lord of the barnyard) de Tristan Egolf, quand la petite ville Baker se réveille des émeutes ayant tout détruit :
**La crise venait de l’intérieur et, en tant que telle, nécessitait une coordination interne. Connue aussi sous le nom de coopération. La coopération et la responsabilité. Deux des ressources les plus rares dans la Corn Belt. Toutes deux étaient à leur bas niveau habituel quand vint le moment de les mobiliser. En conséquence, Baker prit un bouillon.**
Nous avons bu le bouillon pour toutes les raisons que l’on sait, qui ne sont pas toujours les raisons que l’on cite.
Rien n’est plus facécieux que l’histoire qu’on fini, chacun et tous, par se raconter, car il faut juste qu’elle soit claire et admissible. Elle peut ainsi se transmettre et se faire entendre plus aisément. A la fin, un consensus se dégage, formant au mieux un grand ensemble, deux au pire… Pourtant, au fond, rien n’est résolu et les chaque cercle social promène sa petite névrose, et ainsi va, demeure, devient trans-générationnelle.
Je reste toujours atterrée lorsque l’on fait référence à la mission exemplaire de Michel Rocard, car on oblitère que ce brillant homme est venu « réparer » la conséquences les promesses électoralistes de Mitterand, qui furent la « poudre mise au feu » et eurent les conséquences les plus meurtrières que l’on connaît. Personne aujourd’hui ne pense à faire le procès de la politique du Gouvernement Mitterand, parce qu’aujourd’hui c’est “le tour à Macron !”
Comment peut-on oblitérer ainsi le dénouement des accords dont tous, pourtant, se réclament ?
Le Président pourtant n’a rien fait que « faire suivre par la voie institutionnelle » ce qu’avaient prévus les accords dans leurs termes et à leur terme. Tu (** Jean-Pierre Legros) l’as fort bien souligné dans ta première réponse, on ne peut croire, sous un gouvernement et un congrès indépendantistes, que le peuple kanak fut juste la victime d’une politique droitiste Macroniste porté par les seuls loyalistes. La réalité, c’est que nos collégiales institutions devaient préparer « l’après accords », mais qu’aucun travail n’a été fait. Plusieurs années à procrastiner en attendant que sonne l’urgence des nouvelles élections provinciales. C’est donc par les voix institutionnelles, que la République s’est prononcée sur un des points majeurs (le dégel du corps électoral) parce qu’il est un préalable à tout nouveau scrutin local. Tous avaient signé pour ça ! Omis aussi que le Gouvernement calédonien avait rendu son accord sur la présentation du projet de loi, bien qu’il ait ensuite tenté un « rétropédalage » !
On parle beaucoup du pays du « non dit » mais notre pays souffre de la façon dont les choses sont « redites »… La vérité échappe à ce petit territoire pour être happée par des dogmes plus grands, pas toujours si “humanistes” que cela.
Les analystes sur l’histoire calédonienne ne manquent pas, l’éclairage qu’ils apportent et un faiceau d’orientation et de largeurs diverses, aucun ne fait d’erreur fondamentale, aucun ne peut transcrire l’exactitude des faits puisque les vérités sont multiples.
Christophe Sands est archéologue, peut être, est-ce cela qui fait qu’il regarde l’humanité dans sa diversité ses migrations ses évolutions ? Un regard factuel sur le passé, qui va au-delà de l’histoire politique. Une vision plus vaste…
La réalité calédonienne est un particulariste et n’en est pas un. S’il est un ouvrage précieux, c’est le livre de Amin Maalouf, « Le naufrage des civilisations ».
Comme toi j’ai cru lire l’histoire calédonienne.
En partant de l’Egypte il intrique le récit dans l’histoire mondiale. Il éclaire sans aucune partialité les faits d’hier, rend le présent compréhensible, sans jamais à avoir à traiter de consensus. Il raconte une histoire humaine qui rend compréhensible l’Histoire.
À l’instard des séismes, nous vivons des répliques de désastres politiques partout sur la planète. Nous avons l’audace d’analyser et de croire que tel ou tels en sont la cause, mais c’est bien notre “pauvre humanité” qui nous fait rejouer toujours les mêmes partitions, sans qu’un seul mémorial ne parvienne à marquer nos mémoires.
La sagesse collective est une illusion.
L’égalitarisme un voeu pieu, pour que ça change un jour il faudrait modifier notre ADN !
Quand on le vit de l’intérieur, le caléïdoscope calédonien ne ressemble à aucun autre, mais nos crises, nos abus, nos conflits, nos réconciliations sont ceux d’une population humaine pour laquelle j’aime souvent à dire qu’il faudrait plus « une bonne thérapie que de nouveaux accords”.
Au-delà de tout, nous sommes résiliants, tous, énormément ! C’est là un bon tricotage de l’ADN humain qui permet de continuer à nous projeter, donc à survivre.
La jeunesse calédonienne d’aujourd’hui est belle et prometteuse, elle n’est pas “que” les enfants perdus et blessés avec des cailloux pleins leurs poches. Il faut savoir regarder et dire nos réussites. Et nos échecs, les admettre sans honte mais toujours avec des projets ! Dénoncer sans proposer conduit à une incurie. C’est le grand reproche qui est fait aux partis indépendantistes !
La honte a trop longtemps acompagné tous les calédoniens. Elle est la mauvaise fée penchée sur le berceau.
Je crois profondément qu’en dépit de ce tout ce qui a pu être dit sur « le fait colonial » nous devons apprendre à regarder derrière cette porte, qui ne doit en aucun cas être verrouillée, mais il est essentiel de cesser de l’utiliser comme une expiation éternelle.
Après que les chagrins soient entendues, il faut purger la peine. Parce qu’il y a beaucoup à entendre et à regarder, pas que des plaies et des bosses.
Je pense souvent à ce que m’avait confié mon ancienne camarade de classe, à propos de l’histoire de son arrière grand père arabe algérien, qui fut condamné au bannissement à vie et déporté en « Kaldûn » : quand elle s’est rendue dans le bled d’origine de la famille retrouvée, après la joie et les effusions, elle a aussi pris la mesure « du fait colonial ». Elle me confiait qu’en trois générations, la descendance des anciens déportés à “la Nouvelle” est nombreuse et heureuse. La plupart a fait des études supérieures et ou leur membres sont acteurs de la vie sociale, politique et économique du pays. S’ils étaient restés au bled, ils seraient semblables à leurs petits cousins, qui vivent encore dans la pauvreté, ne parlant ni le français ni l’anglais, juste le dialecte arabe du coin (pour ses ascendant à elle). Cela l’a profondément troublée, comme un état « schizophrénique » d’être construite sur une double histoire fondée sur l’injustice et la résilience.
Outre que la population calédonienne dans sa grande majorité est faite de ce bois, cela fait réfléchir sur les multiples façons dont nous pouvons regarder l’histoire avec le petit et le grand « H ».
Celle que nous ne savons pas, c’est celle qui s’écrira demain.
Faire vivre le futur permet d’écrire une partition à plusieurs mains.