L’échelle de dangerosité des drogues est actuellement bien établie. Mais l’encadrement législatif a pris du retard sur ces connaissances objectives, faisant toujours les yeux doux à l’alcool, culturellement bien enraciné, et trop strict au contraire sur le cannabis, pourtant nettement inférieur en dangerosité, très peu inquiétant même, en l’absence d’alcool associé ou de pathologie psychiatrique pré-existante.
Légaliser la consommation de cannabis chez les majeurs et interdire celle d’alcool avant 21 ans est ainsi une réponse cohérente au savoir contemporain. S’il est encore bien des apprentissages à imposer aux jeunes, n’y mettons pas de la fausse science, au risque de déprécier la valeur du savoir objectif.
Cette légalisation a un intérêt tout à fait particulier en Nouvelle-Calédonie. Il ne s’agit pas de déclarer le cannabis inoffensif mais de mettre fin à une économie underground très présente chez les jeunes kanaks, qui les détourne d’activités plus productives. Comment gagner la guerre contre une consommation qui semble anodine aux utilisateurs ? On ne voit de cette lutte que ses effets indésirables : elle a créé chez les jeunes un climat permanent de méfiance réciproque avec les forces de l’ordre et le bien-pensant des blancs aisés.
Autant la pression policière est justifiée contre les profits illégaux et la fumette chez les trop jeunes, autant elle est excessive sur la consommation adulte, et cela nuit à la sérénité et à l’unité des forces de l’ordre. Parmi les policiers se trouvent de nombreux locaux ayant fumé, contrairement aux gendarmes. L’esprit de corps en est fissuré, fissures qui ont posé de graves problèmes lors des émeutes récentes, où le clivage ethnique a été marqué.
La dépénalisation permet de mieux contrôler la qualité des produits et la part de THC. Elle se montre cohérente avec une prise en charge éducative. Des cours présentent aux jeunes les raisons de l’utilisation des drogues et les avertissent des dangers. Le rite initiatique secret doit faire place à une observation libre. Or l’interdiction privilégie à fond le rite secret dans une population naturellement encline à l’anti-conformisme par sa jeunesse et sa révolte identitaire.
Légaliser c’est mettre enfin en parallèle la loi et une habitude ancrée dans plus d’une moitié de la population calédonienne, tous âges confondus. C’est y gagner un meilleur contrôle de la consommation et arrêter de faire de la vente le métier le plus profitable pour la majeure partie de la jeunesse locale.
PS: Je ne suis pas fumeur
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