E24-Réaction 3: Envoyer les gendarmes mais pas que…

Sus à Dunning-Krüger !

Les partisans du vivre ensemble doivent impérativement miter à leur tour les quartiers pour discuter avec les jeunes. Recommandation : qu’ils se coupent des réseaux au préalable. Inondé d’infox sur les groupes kanaks et blancs il est difficile de s’empêcher de sauter à la gorge de l’autre. L’insurrection est l’acmé de ce grand délire groupiste.

Certes les bulles d’infox ne sont pas une nouveauté. Au siècle dernier, les frontières physiques des nations étaient moins perméables qu’aujourd’hui. Elles facilitaient l’enflure de ces bulles alimentées par le gaz sulfureux de la propagande. Résultat: deux guerres mondiales et près de 100 millions de morts. Ne pouvait-on espérer un destin plus tranquille au XXIè siècle grâce à la perméabilité des réseaux ? Malheureusement non. Les gens ne choisissent pas l’information pour son objectivité mais parce qu’elle leur plaît. Connaître ce fameux effet appelé Dunning-Krüger ne nous en débarrasse pas ! Nous recréons dans les réseaux sociaux les mêmes frontières hermétiques que les physiques.

Aller discuter dans les quartiers est briser ces frontières confortables,  présenter et recevoir un discours qui déplaît, aller disputer pacifiquement la position adverse, rendre le conflit productif en accueillant la manière de voir de l’autre plutôt qu’en la discréditant. Discuter avec ses propres enfants n’est déjà pas facile, n’est-ce pas ? Mais le temps nous a appris quelques trucs, servons-nous en. Proposons d’écrire ou dessiner à ceux malhabiles à l’oral. N’oublions jamais l’humour, solvant de toutes les crises.

Inconvénients et avantage du mitage

À Nouméa, le mitage pluri-ethnique des quartiers peut être vu comme un non-sens sécuritaire : une ethnie vient de se transformer pour les autres en organisation terroriste intégrée à la cité. Néanmoins le mitage peut être vu aussi comme une chance si les résidents se mettent à échanger, à recréer par le bas le consensus que des politiciens maladroits n’ont pas su obtenir. Vous avez peur que ça tourne mal ? Regardez ‘Je verrai toujours vos visages’, le film de Jeanne Herry sur la justice restaurative, qui met agresseurs et victimes dans un face à face d’où seule une bagarre semblait pourvoir surgir. Et pourtant…

Le plus difficile: trouver un langage commun. Pas question d’aller pérorer ces articles auprès des jeunes. Plus facile pour moi d’apprendre leur langage qu’eux le mien. J’utiliserai donc le leur. Mais ne suis-je pas en train de redonner un coup de peinture fraîche aux complexes d’infériorité et de supériorité, au passage ? Je ne crois pas, pour deux raisons :

Être sincère plutôt que discriminant

1) La faiblesse en vocabulaire est une réalité, quelques minutes passées à lire les échanges sur les réseaux suffisent pour s’en convaincre. La pensée y est enfermée dans une cage de mots-barreaux. “Indépendance” est un mot barrière, une porte fermée et non ouverte sur son propre esprit. Ne prenons pas les autres pour ce qu’ils ne sont pas.

2) Affichons notre sincérité. La plupart des politiciens s’adressent aux gens en les tenant pour des crétins tout en affirmant l’inverse. Cette manipulation élémentaire ôte aux gens toute chance de réfléchir et se défendre. Leur esprit s’ouvre béant et souriant à la benne à ordures d’infox que le politicien souhaite déverser en eux. Imparable ! Grâce à ce truc les américains s’apprêtent à remettre en selle le président le plus nocif que leur pays ait jamais connu. La méthode n’est guère respectueuse du libre-arbitre. Or notre effort vise à rétablir du respect entre les communautés calédoniennes.

Un écart de complexité à combler

Il n’existe ni parfaits imbéciles ni génies universels. Les neurones inutilisés meurent; donc les cent milliards de neurones d’un cerveau qui vous semble atteint de crétinisme sont pourtant utilisés. Que font-ils ? Pourquoi une production si sommaire ? Ce qui nous différencie est un écart de complexité, parfois spectaculaire, entre des facettes de nos intelligences. Les maths par exemple créent une hiérarchie abrupte. Mais le temps passé à faire briller l’une de nos intelligences manque aux autres facettes. L’autre sait toujours quelque chose mieux que nous. Le chemin de la complexité se montre et s’échange, pour rester dans un monde commun.

L’éducation, si elle ne se fait plus ni à la maison ni à l’école, doit suivre les jeunes dans la rue.

Vous souhaiteriez des conseils pratiques ? Restez sur le blog. Je listerai bientôt une série de questions pour ouvrir le débat avec les jeunes, avec pour chacune un fil conducteur, sur lequel vous ferez l’équilibriste, peu importe votre talent. La maladresse est parfois le meilleur des langages lorsque vos interlocuteurs s’attendent à un excès d’assurance.

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