E24-Réaction 2: Faire le procès des Évènements

Un regard brûlant

Dans ce Train de l’Avenir Calédonien, le paysage défile plus ou moins agréablement. Cette deuxième étape nous fait stopper à la Cour de Justice, avec à l’horizon le bloc sévère de la prison, mais aussi des espaces de résilience plus encourageants. Le voyage nous fait souffler le chaud et le froid. Pour rebondir sur les messages encourageants et poétiques que j’ai reçu des kanaks les plus réfléchis, je pourrais dire qu’à travers ces articles c’est la Lune qui nous regarde, alternativement avec sa face brûlante et sa face glacée.

Aujourd’hui elle brûle de colère, d’avoir vu une population entière prise en otage, impuissante, par l’une de ses franges extrémistes. Le rêve d’une indépendance, héritage d’un siècle enfui, laissait doucement la place à celui vraiment contemporain d’une interdépendance. Un authentique métissage des cultures du Caillou s’édifiait patiemment. Quelques grands frustrés jamais guéris des premiers Évènements ont pris l’initiative de tout saccager.

La mutilation du destin commun

Faire le procès des Évènements est un impératif catégorique. Impossible de faire comme si rien de gravissime n’avait eu lieu, que chacun aurait des excuses. Il existe une société calédonienne commune, où chacun dispose de représentants et d’une prise de parole, structure qu’une large majorité tient à perpétuer. Une petite minorité a voulu la désintégrer et forcer les autres, par la terreur, à reconnaître le fait accompli. Quelques leaders ont fanatisé des bandes de jeunes et en ont fait leurs zélateurs, chargés de leur oeuvre de destruction, indifférents aux vies perdues, tout en accusant le gendarme de ne pas avoir laissé faire ! A-t-on déjà vu bêtise plus abyssale que celle de ces Évènements ? L’Histoire le dira bientôt.

Passer l’éponge serait accorder l’impunité à ces egos hypertrophiés et corrupteurs, donc anéantir un peu plus la conscience calédonienne commune. Les Évènements découlent d’une tentative d’éradication du destin commun. Ce Destin mutilé peut-il rester sans réagir, s’il compte survivre ?

L’entreprise calédonienne en faillite

L’appauvrissement est général. Est-ce l’avenir commun voulu par les instigateurs ? Refusons ce suicide partagé et faisons payer de leurs deniers personnels ceux qui ont embarqué unilatéralement le pays dans l’effondrement économique. Quelle porte de sortie ? Il n’y en a aucune. Le nickel ne rebondira jamais assez haut ; et il ne représente qu’un quart du PIB dans ses meilleures années, tandis que plus de la moitié vient des services, c’est-à-dire des capacités des calédoniens à dépenser. Mais une partie des plus aisés nous a déjà quittés, et une plus grande part encore va suivre.

Le tourisme est mort pour une dizaine d’années. Il faisait vivre non pas les nantis mais les habitants des îles et des petits morceaux de Caillou enchantés. Ce sont les familles en situation déjà précaire qui ont vu leurs quartiers saccagés et leurs emplois partis en fumée. Les riches ont toujours de meilleurs moyens de se protéger et de rebondir. L’action de la CCAT a aggravé dramatiquement les écarts sociaux. Son rouleau compresseur a écrasé les plus faibles. Tout cela témoigne d’une volonté de décapitation du vivre ensemble, pour faire émerger la Kanaky des décombres, salie et puante, plutôt que du patient tissage d’une mosaïque aux couleurs ethniques contrastées.

Des gangsters qui sacrifient leurs jeunes

S’il se confirme qu’un leader a dit « être prêt à sacrifier un millier de jeunes » à son idéal personnel, il faut mettre ce forcené en cage. La Kanaky existe déjà depuis longtemps, n’est pas opprimée ; ses principales institutions sont présidées aujourd’hui par des kanaks. Discours de gangster ! Le sacrifice de ses troupes est une réalité. En sus des morts inutiles, il faut ajouter les brûlures graves et les amputations de ceux qui ont (mal) joué avec le feu. Des vies précocement barrées par le handicap.

Jugeons et enfermons les leaders qui ont perdu toute mesure, qui se condamnent avec leurs propres mots. Extrait: « l’impréparation [de l’Etat] en termes de moyens, d’effectifs et de tactique de terrain, sa défaillance du renseignement, des manquements dans la chaîne de commandement et de logistique. […] Face à la panique de ceux qui détiennent les compétences régaliennes, nous avons eu l’impression d’avoir en face une bande d’amateurs en déroute ». Et concernant le financement des réparations: « Nous ne paierons rien, [les dégâts résultent] des manquements du gouvernement central dans l’exercice de ses seules compétences ».

Dans ce discours hallucinant, l’auteur réussit à : 1) reprocher à un pouvoir régalien qu’il considère illégitime de n’avoir pas fait son travail !! 2) faire payer sa casse par celui dont il veut se rendre indépendant ! 3) avouer bêtement que si l’État a montré son impréparation c’est que sa CCAT et lui ont fait preuve de beaucoup de préparation… L’État faisait confiance à ces politiciens et les croyaient incapables de basculer à ce point dans la barbarie, mais sa confiance se révèle mal placée. La CCAT a-t-elle cherché à homologuer un nouveau record d’irresponsabilité ? Pareil infantilisme, au cas où les autres kanaks n’opposeraient que du silence, sera la première cause du départ des blancs, les partisans du vivre ensemble en premier. Qui a envie de vivre à côté d’une pareille brute en liberté ?

Le “passage en force”

Qu’est-ce qui a excité la brute ? Parlait-on de l’interner dans un camp de concentration spécialement bâti pour le Méchant Kanak ? Macron a-t-il envoyé ses gendarmes avant les Évènements, confirmant son intention de faire passer la loi du dégel avec une main de fer ? Rien de tout cela. On lui a dit que les kanaks ont donné leur parole. Mais c’est pourtant dans toutes les bouches : Macron et ses ministres ont voulu passer en force ! Même les modérés se raccrochent à cette piteuse explication, leur courage à l’état de baudruche crevée. La foule jette des pierres sur le prisonnier ligoté, trop heureuse d’avoir un coupable pour focaliser sur lui tous ses malheurs.

Comment peut-on parler de “passage en force” pour une loi qui va dans le sens d’un rétablissement des droits citoyens élémentaires, sans même les rétablir entièrement ? Comment ne pas pointer l’incohérence des médias métropolitains, qui reprennent ce terme de “passage en force”, alors qu’ils se hérissent instantanément à la moindre menace contre ces droits ? L’héritage colonial n’est pas une raison suffisante pour inverser une éthique universelle et se mettre à hurler qu’une loi est inique, puis tout brûler. Au contraire sa libre acceptation aurait témoigné d’un progrès indéniable vers le vivre ensemble, se fondant sur la confiance réciproque. La loi ne menaçait que les adversaires d’une Calédonie commune et conviviale, ces kanakistes qui jouent la colonisation à l’envers et veulent débarrasser le Caillou des blancs. Alors ceux-là ont terrorisé les gentils jusqu’au point que même eux se sont mis à rejeter cette loi, pour plier devant celle de la violence.

Le procès des symboles

Qui a pour mission de protéger ceux trop vulnérables pour s’être défendus eux-mêmes ? Le tribunal. En faisant le procès des Évènements, nous lèverons la terreur qui a remplacé le plafond dans leurs maisons. Nous leur permettrons d’ouvrir à nouveau les fenêtres.

Ce procès est celui des symboles du mouvement et non le procès des gens. Il ne peut rendre justice à tous les comportements individuels, odieux ou admirables. Avec des généralisations faciles sur les quartiers, on met tous leurs habitants dans la même catégorie. Mais pauvres comme riches, les gens se différencient mieux par leur tendance égoïste ou solidaire. Le pauvre qui a profité de la destruction des magasins pour les piller a-t-il droit aux mêmes égards que celui qui a contemplé, navré, le désastre, et a partagé ce qui lui restait ? Ce n’est pas au tribunal que la réponse sera apportée, mais dans les consciences, à condition que les symboles soient jugés et rectifiés.

Sans cette étape, médecins et pharmaciens qui ont reconnu sur les vidéos leurs propres patients parmi ceux venus incendier leurs locaux, peuvent-ils continuer à exercer leur office comme avant ? Comment pourraient-ils le faire devant un visage impassible chez ces gens-là ? Ils attendent d’y voir la honte. Et pour qu’elle s’affiche, nous avons besoin d’une conscience sociale redressée par le procès de ses symboles les plus dévoyés.

Quelle durée de prison pour les meneurs ?

Une très longue. Comment pourrait-on attribuer un libre-arbitre aux gens sans tenir une comptabilité de leurs actions ? S’ils veulent diriger leurs propres vies, à quelle responsabilité s’adresser chez eux quand un crime est commis ? S’il n’existait pas de libre-arbitre, l’utilitarisme commanderait alors de retirer définitivement de la société tout contrevenant dangereux, puisqu’il n’aurait aucune chance de reprendre le contrôle de lui-même. La prison est en fait la reconnaissance d’un libre-arbitre et donc d’une possibilité de résilience. La justice punitive a ses limites, mais son absence est plus dramatique encore. Il faut lui adjoindre la restaurative. Qui détruit rembourse, de son effort personnel.

Que faire de la génération des jeunes incendiaires kanaks ?

Faire le procès des Évènements, absolument, mais surtout ne pas le conclure avec un discours démissionnaire du type « Ces jeunes sont irrécupérables! », comme s’il existait des gènes invincibles pour la bêtise et la violence. Les gènes ne se préoccupent que de survie, et leurs effets empruntent des chemins d’une grande complexité jusqu’à vouloir faire survivre nos idéaux, quelle que soit leur pertinence. L’idéal, comme le gène, est jusqu’au-boutiste. Il ne fait pas le constat de ses effets.

Ce qui fait le constat est le retour sur soi, l’auto-critique, faculté mal partagée et qui n’est malheureusement pas annexée à l’attestation de majorité. Nous sommes déclarés à 18 ans responsables de notre vie… sans aucun examen de conduite. Qui est responsable des déboires au-delà ? Encore les parents ? Le jeune majeur tout frais éclos ? L’état civil qui l’a déclaré autonome quand il ne l’est pas ? Quand les responsabilités sont partagées on n’en désigne plus aucune.

La structure la plus attentive aux examens de conduite au sein d’une atmosphère encore familiale est l’armée. Ces jeunes peuvent se voir proposer de l’intégrer, en alternative à un séjour en prison suffisamment long pour être dissuasif. Ce n’est pas trahir leur cause ; l’armée n’intervient pas dans les affaires internes à la nation. Elle est le seul cadre éducatif restant pour ces jeunes déscolarisés. Le RSMA est un exemple de réussite magistrale mais n’a pas les moyens d’accueillir des milliers de jeunes, et il faut les disperser hors du Caillou pour en faire des citoyens du Monde, comme l’ont déjà fait beaucoup d’autres ultra-marins.

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1 réflexion au sujet de « E24-Réaction 2: Faire le procès des Évènements »

  1. Oui la kanaky existait déjà, oui elle peux maintenant identifier ses dangereux kamelots de terreur. La cause un fou, l’effet le feu, la conséquence ( quelle nature va reprendre ses droits ?) Sur cette terre 🌎 brûlée…

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