Une colle en fuite
L’une des bêtises majeures de ces Évènements est qu’ils font fuir les meilleurs éléments de soudure pour le pays : les étrangers sans présupposé ethnique. C’est bien le cas des français de métropole, naïfs du conflit calédonien et pas plus concernés par le contentieux colonial que par l’ancien déferlement des troupes napoléoniennes sur l’Europe : ils appartiennent aux livres d’Histoire. L’étranger est potentiellement le meilleur ami du kanak : il l’écoute avec un esprit vierge. Et si le kanak lui prête d’emblée une opinion défavorable à son endroit ? Cela voudrait dire que la kanak a déjà en lui cette piteuse auto-évaluation. C’est le cas à la CCAT, persuadée que le dégel allait consacrer le kanak en tant que sous-race et signifier la fin de son autonomie. L’opposition à la loi démasque un fait paradoxal, contre-intuitif et stupéfiant : la CCAT rassemble les kanaks qui ont la pire opinion du kanak, celle d’un bon sauvage à protéger.
Pour cette raison il n’est pas acceptable que la CCAT participe aux discussions sur l’avenir de la Kanaky. C’est la faction qui la conduira au pire, parce qu’elle a la pire opinion de la Kanaky. Un épicentre calédonien ferme doit rejeter expressément la présence de la CCAT, dont les leaders devraient être emprisonnés et expulsés du territoire.
Parties prenantes et repoussantes
Une théorie majeure en sociologie d’entreprise est la théorie des parties prenantes. Au lieu de privilégier la concurrence entre les acteurs du marché de l’entreprise elle met l’accent sur l’intérêt de la coopération volontaire pour que chacun y trouve son compte. Une théorie inverse et plus iconoclaste soutient qu’un petit nombre de personnes égocentrées et désinvesties de l’intérêt collectif suffisent à paralyser le fonctionnement d’une entreprise, et qu’il faut les en éjecter plutôt que chercher à les intégrer. Les deux théories ne sont pas contradictoires et s’appliquent parfaitement à la situation calédonienne actuelle.
Une frange d’extrémistes a bloqué la marche de la Nouvelle-Calédonie vers le destin commun. L’entreprise est au bord de la faillite politique et économique. Il faut en expulser ces egos irréductibles qui n’auront de cesse de la faire capoter. Contrairement aux simples suiveurs qui ont d’excellentes chances de devenir parties prenantes, les meneurs resteront des répulsifs, des agitateurs non miscibles. Pour n’être piégé ni par l’angélisme ni par l’ostracisme il y a des actions symboliques à mener. Ressusciter l’épicentre calédonien, c’est retirer les crocs qui l’ont déchiqueté.
Pas assez sages pour un drapeau
D’autres symboles ont un intérêt majeur, en particulier le drapeau commun pour un pays qui cherche son unité. C’est ainsi que se concrétise le centre dur dont il a besoin, un pôle pour l’attention et les bonnes volontés. Les mots les plus convaincants tombent dans le vide quand ils sont issus d’une entité trop vague. Le pays calédonien doit être un acteur à forte personnalité dans l’esprit des gens, un métis que chacun pourrait adopter comme son propre enfant.
Le drapeau commun, porté pourtant par un bel enthousiasme initial, n’a pas quitté le métier à tisser. Incompréhensiblement, alors que le Comité de Pilotage des Signes Identitaires a réussi à s’entendre sur un hymne et une devise —Terre de Parole, Terre de Partage—, il échoue sur le drapeau en 2007. L’initiative n’a pas réuni que des sages. L’époque était pourtant propice à l’implantation des symboles. En 2020, après un second référendum montrant le clivage sévère sur l’indépendance, le jeune parti Générations NC tente de réveiller le drapeau commun en l’inscrivant à l’ordre du jour du congrès. Trop tard, le centre s’est désagrégé, poignardé en plein coeur par ces référendums manichéens.
Renforcer la symbolique commune n’est pas effacer ses composantes
Au contraire, la force du symbole commun vient de l’importance attachée aux attributs de chaque culture. Comment éviter de les gommer dans l’identité calédonienne ? C’est assez facile : c’est aux représentants d’une branche culturelle particulière d’exprimer davantage les symboles des autres, faire un pied de nez à l’isolationnisme qui guette chacune d’elles. En théorie le vrai calédonien de coeur se promène un jour avec un tee-shirt kanak, le lendemain avec un autre bleu-blanc-rouge. Impossible aujourd’hui, ce qui montre à quel point la radicalisation a envahi tous les esprits.
En cette matière la discrimination positive est de mise. Nous avons vu que la relation blanc/kanak est complexée. Le porteur du complexe de supériorité doit faire un effort plus significatif. Pas question bien entendu de brandir le drapeau kanak, devenu une dramatique icône de haine. Mais il existe bien d’autres emblèmes plus doux de la culture mélanésienne, par exemple le cocotier, effigie du féminin chez le kanak. Promenons-nous en tee-shirt Pacifié ou avec une charmante Coiffure Cocotier 🙂
Ce sont des gestes symboliques qui peuvent fissurer le mur de la pensée unique mélanésienne et permettre aux voix originales de filtrer. Le mur a enfermé la Kanaky dans sa propre prison et c’est pour cela que l’on n’entend plus de grands hommes (ou femmes) chez elle, capables de servir de flambeau à la conscience kanak auprès des autres cultures. Tellement de barricades à démonter. Comment y parvenir sans s’y mettre tous ?
À propos de l’interventionnisme caché des puissances étrangères
Et si les Évènements avaient été causés par une puissance étrangère ? Les coupables ne manquent pas, tant la France s’est attirée d’inimitiés et s’est désengagée du Sud global. Même Jacques Attali, qui n’est pas un conspirationniste notoire, en fait la vraie cause de E24. Peu importe. Ce discours a très peu d’intérêt pour différentes raisons :
Sauf à être soutenu par une propagande tellement prégnante qu’elle en devient évidente, il est impossible de déclencher l’hostilité d’un groupe sans qu’elle soit déjà fortement enracinée. Ne nous leurrons pas, le mutisme de la majorité des kanaks devant les destructions met en lumière un vrai problème de vivre ensemble, et non une ingérence extérieure.
Nos jeunes terroristes n’ont pas pris les armes, à part les plus incontrôlables. La Calédonie est une petite population où tout se sait. Les kanaks sont médiocres dissimulateurs. Ces raisons et un peu de bon sens suffisent à dire que si influence il y a eu, elle a été discrète, assez pour s’en moquer. Chercher un coupable à l’extérieur risque surtout de nous détourner des efforts domestiques à fournir. Quel bénéfice apporte l’hypothèse “grand ennemi dans l’ombre” au travail difficile de s’extraire des ruines ? Aucun en Calédonie. Son seul intérêt serait de motiver davantage la France pour rebâtir et protéger le Caillou. Une infox enfin utile en métropole ? Laissons-nous donc aller au conspirationnisme sur les réseaux français 😉
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