Qu’est-ce qu’une autonomie authentique ?

L’idéal indépendantiste

Qu’est-ce qu’un combat pour l’indépendance ? Est-ce la lutte d’une ethnie pour devenir indépendante au sein d’un pays commun ? À l’évidence il s’agit d’un désir de compartimenter plutôt que de vivre ensemble. Le passif colonial a débouché sur une nouvelle ségrégation : cette fois c’est l’ex-colonisé qui ostracise le descendant du colonial. Reproduction des erreurs du passé. Deux issues se présentent : partager le pays ou en évacuer ceux étrangers à l’ethnie. Indépendance à la coréenne ou à l’africaine, hostilité feutrée versus phase meurtrière voire génocidaire. L’indépendance a un visage radicalement différent selon que l’ethnie veut se couper du Monde ou s’y intégrer. Les deux aspirations existent au sein de la Kanaky, mais c’est le clan du rejet qui s’est exprimé avec les Évènements, tandis que l’autre ne dit mot.

Le dégel créera des réserves pour les kanaks…

Comment le dégel électoral peut-il entraîner pareil raidissement alors qu’il se contente d’ouvrir la porte à des gens engagés localement depuis au minimum dix années ? Ceux venus se dorer sur les plages ne restent pas si longtemps. Les jobs enlevés aux natifs sont marginaux en raison de la préférence pour l’emploi local, légiférée. La haine du dégel ne pouvait prendre racine que chez un seul type d’individu : le paranoïaque, celui facile à persuader du pire. Le vote élargi ne déciderait-il pas en premier lieu de parquer les kanaks dans des réserves ? De supprimer tous leurs avantages acquis, la discrimination positive dont ils bénéficient dans bien des domaines ?

L’affolement ne pouvait gagner que les leaders kanaks dont le pouvoir est déjà précaire, parce qu’il repose sur la coutume et une prébende de fonctionnaire plutôt que sur la compétence à développer le pays. Davantage d’électeurs pour voter avec discernement et c’est la porte qui les attend. Probablement que si les kanaks intégrés à la métropole revenaient de même élargir le corps électoral, le résultat serait le même pour la Kanaky. Certains leaders devraient rendre des comptes à des gens qui réfléchissent au lieu d’obéir aveuglément.

Quatre clans

La population du caillou ne comprend pas deux clans mais quatre ! Les loyalistes se divisent en ceux qui mettent de la France dans la Calédonie (métropolitains) et ceux qui prennent de la France dans la Calédonie (caldoches). De même les kanaks se divisent en ceux qui mettent de la Kanaky dans la Calédonie (les ultra-indépendantistes) et ceux qui prennent de la Kanaky dans la Calédonie (soucieux de garder le meilleur de leur culture dans un avenir commun).

La différence est capitale. Ce n’est pas une simple question de direction. Ceux qui veulent mettre la Kanaky ou la France dans la Calédonie brandissent un idéal inconciliable avec la société d’aujourd’hui. Le désir, dans cette direction, est celui d’un remplacement, alors que dans l’autre sens il est celui d’une intégration. Le premier est idéaliste et exterminateur, le second pragmatique et rassembleur. Des egos exacerbés contre une conscience calédonienne collective encore fragile.

Des rapprochements étonnants

Les ultra sont incapables de trouver une solution commune, contrairement aux centristes qui ont une conscience calédonienne partagée. Ce sont eux les vrais autonomistes, capables de fonder une Calédonie originale émancipée autant de la métropole que d’une coutume rigide et anachronique. Étonnamment les ultra des deux bords arrivent aussi à s’entendre… autour de la perpétuation du conflit, qui les fait exister davantage. C’est leur fonds de commerce politique. Ils ne sont pas là pour trouver un équilibre mais entretenir un déséquilibre qui maintient leur pouvoir.

Ainsi peut-on comprendre les rapprochements un peu étranges entre groupes, Calédonie Ensemble et UNI (les centristes), Loyalistes et UC (les extrémistes). En vérité le centre est représentatif d’une large majorité de population calédonienne, surtout qu’il inclue les ethnies autres que mélanésienne et blanche. Comment se fait-il qu’il soit aussi mou, alors que nous avons un besoin crucial d’un centre dur ?

Deux raisons d’avoir un centre mou

1) L’absence de politicien d’envergure capable de survoler la mêlée. Dans une petite population telle que celle du caillou, les représentants sont trop proches des réclamations immédiates de leurs électeurs. Impossible de heurter ses amis; clientélisme et langue de bois obligatoire sur les sujets tendus. Dégager sa parole des contraintes du clan est difficile, encore davantage chez les kanaks à cause de la structure sociale rigide et de la pensée unique.

2) Les 3 référendums et la loi sur le corps électoral ont amplifié les discours radicaux, manne inespérée pour les ultra des deux bords qui perdaient en influence jusque là. Quelle place reste-t-il au centre quand on vous demande de voter exclusivement oui ou non ? Même l’abstention est taxée de traitrise. Le désir de vivre ensemble a été proprement étouffé par un oreiller écrasant sa bouche depuis 4 ans. Qu’entendre sinon un soupir de mourant ?

Réanimer le vivre ensemble

Sa réanimation ne peut venir que d’inspirations bruyantes, celles de toutes les personnes consternées par l’étendue du désastre, qui découvrent des jeunes en rien concernés par le sort des anciens, fiérots de planter des drapeaux neufs au milieu des décombres, et qui ont trouvé la solution ultime aux inégalités : « Rasons tout, il n’y aura rien à partager ». Existe-t-il aujourd’hui assez de gens affligés par les ravages et prêts à le claironner ? C’est la seule lueur d’espoir pour une résurrection du pays.

Si les centristes ont du mal à donner de la voix, prêtons-leur notre souffle. C’est la première démarche à faire, avant toute proposition pratique. Pour sortir de la cacophonie des réseaux il faut rétablir une représentativité du centre, désigner ceux qui symbolisent les idées majoritaires. Et protéger leurs maisons.

Des élections pour des voix nouvelles

Un nouveau congrès calédonien rénové par ces évènements serait bien plus utile au pays qu’un référendum sur le corps électoral en métropole. La perspective d’élections obligerait les radicaux à rentrer chez eux bien plus efficacement que les gendarmes, au risque sinon de perdre tout crédit.

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