L’éloge malheureux de l’anarchie

Jean-Marie Durand fait sur Philomag un malheureux éloge de l’anarchie, qui ne contribuera certainement pas à assainir nos problèmes de société, mais au contraire à les rendre insolubles. Mon commentaire détaillé :

Cher Jean-Marie,

J’ai peur que ce soit votre monsieur (Édouard) Jourdain, prosaïque sans le savoir, qui n’ait rien compris à l’anarchisme, quand il élargit son cadre bien au-delà de sa définition.

« an – archie » veut dire « refus du pouvoir » en grec. C’est l’anti-hiérarchie par excellence. ‘Je’ conserve l’intégralité de mon pouvoir sans le déléguer, quelle que soit l’intérêt de le regrouper en vue d’intégrer mes désirs à ceux des autres. L’anarchiste refuse l’intégration. Il veut associer son désir intact, irréductible, à ceux qui partagent le même.

L’anarchie peut survivre quand existe un collectif géré. Elle se manifeste aujourd’hui sous la forme du groupisme. Mais en tant que négation de la gestion collective, elle n’a pas la moindre chance de fonctionner à une échelle plus grande. C’est même une aberration d’imaginer en faire une politique générale.

Planète minée

L’anarchisme est le chapelet de bombes minuscules mais innombrables qui, aujourd’hui, minent dramatiquement l’espoir d’une gestion planétaire collectiviste. Chacune de ses occurrences historiques s’est accompagnée d’une stagnation puis d’une régression des communautés concernées. 

En fait les positions dont vous parlez dans l’article ne sont pas vraiment de l’anarchisme, mais des incitations à rendre la hiérarchie plus représentative et plus fluide. Justes revendications. L’individu doit se sentir représenté dans sa délégation de pouvoir. Mais jusqu’à quel point est-il qualifié pour en juger ? Certes personne ne peut exprimer ses besoins et ses désirs à sa place, mais quand il s’agit de la gestion économique d’un pays, de la redistribution sociale, d’une politique écologique ?

Le vrai visage: la destruction

L’anarchisme actuel n’est pas une révolte de la fibre collectiviste mais bien de la fibre individualiste. Le populisme n’est pas un collectivisme mais un groupisme populaire parce qu’il fait croire à certains individus qu’ils vont récupérer du pouvoir. Au détriment des autres.

L’anarchisme est certainement une pensée à promouvoir dans les hiérarchies tyranniques, en Chine, en Russie, en Iran, qui sont des organisations figées, féodales, esclavagistes.

Par contre faire l’éloge de l’anarchisme en démocratie, en le confondant à tort avec ce qu’il n’est pas, comme vous le faites, est bien malheureux. C’est détruire tout espoir de voir la démocratie se mondialiser. C’est favoriser la destruction des démocraties existantes, comme les USA, plus avancés encore que nous en matière de groupisme, sont en train d’en faire la triste expérience.

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La vitalité retrouvée de la pensée anarchiste en France, Jean-Marie Durand 2022
L’anarchisme, Edouard Jourdain 2020

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