Un âge pour la retraite?

Les arguments fallacieux pour le départ à la retraite

La réticence à reculer l’âge de sa retraite est en premier lieu un égotisme, puisqu’elle consiste à se mettre à la charge de la collectivité alors qu’aucun handicap ne le justifie —le handicap relève d’une autre législation. Existe-t-il des raisons plus collectives pour la justifier ?

Il faut chercher dans les siècles passés l’idée que la retraite est le temps mérité du repos, après une vie éreintante de labeur. Les vies ouvrières y étaient certes souvent pénibles, mais surtout les conditions de travail et ses accidents n’étaient pas pris en charge, provoquant d’authentiques catastrophes personnelles. Aujourd’hui tout a changé. 80% des accidents du travail sont de la bobologie et les conditions n’ont jamais été aussi surveillées. Mais les avantages acquis ne s’abandonnent jamais de bon gré.

Le travail c’est (vraiment) la santé

L’index de pénibilité des tâches, et l’idée que le labeur éreinterait la vie, sont des aberrations dans la société contemporaine. Il suffit de regarder l’extraordinaire forme physique et mentale des artisans et des agriculteurs, qui sont rarement concernés par l’échéance de la retraite. Un médecin vérifie quotidiennement que les « beaux vieux » sont ceux qui s’astreignent à une activité physique soutenue quel que soit l’âge, et conserver son intégrité mentale ne s’envisage que par-dessus l’intégrité physique.

Exit donc les arguments, chez Diderot et d’Alembert, de « temps du repos », « jouir du calme de l’esprit », « profiter de la vie », qui sont en réalité les moyens sûrs d’appesantir les effets du vieillissement et non l’inverse.

Tout aussi contre-productif est l’idée, chez Cicéron, d’accorder au retraité davantage de temps pour partager son expérience avec les autres. Ce « culte du vieux sage » consiste à mettre le savoir au musée et l’empêcher d’évoluer davantage. Pour se retrouver prématurément à l’état de buste en plâtre à côté de Cicéron, suivez ce conseil !

Planter des légumes ou se planter comme légume?

Un retraité forcé découvre à son corps défendant que nous sommes le produit de notre environnement, et que la disparition des contraintes fait chuter tout aussi radicalement notre productivité. Nos automatismes les plus actifs, ceux qui ne demandent aucune tyrannie envers soi, s’étiolent. Les heures soudainement récupérées se passent à légumer, ou à se faire happer un peu plus par la société du spectacle pour devenir consommateur assidu de fast-food médiatique.

Moins nous avons d’heures à consacrer à nos loisirs, mieux nous les utilisons avec efficacité. Ces heures précieuses ralentissent, s’étendent. Tandis que les heures « libres », complètement gratuites, défilent bientôt à la vitesse d’un TGV, et notre regard devient fixe : la voie se termine dans un vilain trou sombre dont il devient difficile de se détourner. Les plaintes commencent…

L’affairisme du contrat retraite

L’opinion sur l’âge de la retraite est généralement affairiste : on estime avoir « acheté d’avoir la paix » par le travail fourni à la société. Mais le contrat est frauduleux : les retraités actuels ont beaucoup allongé leur espérance de vie sans avoir cotisé en conséquence. Ils pèsent lourdement sur la vie des jeunes, qui ne pourront jamais prétendre aux mêmes avantages. Arrivant moi-même à l’orée de la retraite, je n’envisage pas un instant de la prendre dans ces conditions. J’aurais l’impression de trahir l’avenir de tous ces enfants.

La retraite abrutit plus souvent qu’elle ne préserve les compétences. Quant à en acquérir de nouvelles… vous avez intérêt à mettre le pied à l’étrier bien avant l’âge de vous retirer, sauf si vous avez toujours exercé une profession intellectuellement stimulante. Mais là, il n’est plus question de pénibilité du travail.

Réformer les moyens de la vie active et non l’âge de retraite

Une véritable réforme des retraites devrait s’ouvrir aux sensibilités individuelles, encourager les vieux à continuer et non les contraindre. L’âge minimal de départ est un couperet stupide. Il devrait être possible de travailler moins ou d’arrêter à n’importe quel âge. Sans déboucher sur une retraite de type capitalisation qui verrait le jeune retraité toucher les revenus des cotisations versées. Impossible! Plus la personne est jeune plus il est difficile d’estimer la durée future de pension à verser. L’espérance de vie s’allonge. Les naissances baissent. En fait une retraite à taux plein devrait être versée seulement dix ans avant l’âge que nous sommes supposés atteindre.

Ainsi aurons-nous vécu 20 ans à charge de nos parents, 10 ans à charge du collectif, et le reste à construire notre excédent personnel de richesse. Avec le maximum d’équité. C’est sur ce point que doivent se concentrer les luttes syndicales, et non chercher à transformer tout le monde en vieux rentiers.

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Une retraite heureuse est-elle possible ? Philomag 2022

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