Bastien Vivès sur le bûcher, ou le retour de la Grande Inquisition

Invasion de la BD par les nuls

Le bûcher crépite. La Grande Inquisition a réapparu. Attaché au poteau, le malheureux Bastien Vivès, accusé de pédopornographie. Ses centaines de milliers de fans ne le verront pas au festival BD d’Angoulême. L’auteur des Melons de la colère, Petit Paul et La Décharge mentale, fait même l’objet d’une procédure judiciaire.

Regroupée, la foule hurle son slogan primaire sur Mediapart. La foule ? Quelques centaines de bigots coincés en réseau dont vous trouverez la liste sur le lien. Aucun nom connu. Aucun esprit reconnu pour son altitude. Ceux qui ont les yeux perçants, eux s’inquiètent. Cédric Enjalbert, dans Philomag, défend Bastien Vivès, un peu tièdement quand même. Les bigots sont peut-être abonnés au magazine. La vraie tribune philosophique vient d’Abnousse Shalmani dans l’Express. Elle y brocarde deux incidences stupides du wokisme, le licenciement d’une prof de danse parce que ses élèves exigeaient qu’elle utilise leur vocabulaire, et la triste affaire d’Angoulême :

« [Bastien Vivès], un dessinateur qui ose dessiner ce qui perturbe et dérange. Qui questionne donc. J’avoue être de ses lecteurs et l’avoir découvert avec Polina, où à travers le destin d’une danseuse, il nous cause émancipation et art, sacrifice et beauté. Il s’est aussi essayé à la pornographie à la sauce satirique, ce qui a fait ma joie et mes rires. Vivès ne fait pas dans la pédagogie, il fait dans l’art. Il ne pose pas de jugement, il pose la vie à la pointe du crayon, même dégueulasse, surtout taboue. Il ne fait pas de bons sentiments, il évolue dans la zone grise, il se promène dans les couches inavouables de la psyché humaine : “L’art vole autour de la vérité, mais avec la volonté bien arrêtée de ne pas se brûler”, comme nous le rappelle Kafka. »

Dans le sillage d’Abnousse:

Bastien dessine remarquablement la demi-réalité de nos fantasmes. Il fait partie de ces auteurs qui enrichissent nos univers intérieurs, afin que s’y ébattent plus librement nos désirs inavouables. Asile doré qui les empêche de sortir. Mais nous permet d’échapper à l’état de ces bigots névrosés qui ont publié la tribune, personnages appauvris en convivialité après avoir enchaîné au cachot une bonne partie de leur esprit.

Impossible de tout “aimer” dans la BD cul. Les fantasmes des uns ne sont pas ceux des autres. Mais les sujets de Bastien sont les plus universels. Tout ado les a rencontrés. Le talent de Bastien réussit, en quelques coups de crayon, à mélanger la brutalité de l’instinct et la délicatesse de l’observation consciente, en arrière-plan.

Brûle, fantasme, brûle

Le fantasme doit-il choquer parce qu’il est trop masculin ? C’est faire peu de cas du mélange des genres dans notre intérieur. Et de son voyeurisme intrinsèque. Nous aimons y creuser des fenêtres sur ce qui se passe chez les autres. Et le meilleur censeur est sans doute de s’imaginer regardé par les autres. Le censeur est au mieux fusionnel. Ma compagne fait partie du mien. Or elle se jette sur les BD de Bastien qui, comme Abnousse, la font éclater de rire. Le crayon ne s’arrête pas, dessine un attribut génital trop grand, et se retourne avec un clin d’oeil. Oui, Bastien est aussi un humoriste universel.

Bastien Vivès n’a pas besoin de publicité, surtout pas de la mauvaise que lui fait Mediapart, qui ne peut qu’attirer des lecteurs vraiment dangereux. Les oeuvres de Bastien se répandent par le ouï-dire et sont promises à une popularité aussi large que discrète. Des pépites illuminant un genre qui recèle aussi le pire, artistiquement.

Merci, Bastien, d’épicer mon quotidien.

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Les raisons de la colère, tribune de Mediapart, 17/12/22
Il paraît que le wokisme, ça n’existe pas… Quelle blague! Abnousse Shalmani, L’Express 22/12/22
Bande déchirée, Cédric Enjalbert, Philomag

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